Tournage du clip « Faster » de The Wayners
Retour sur la réalisation d’un clip de musique à Marseille, pour le groupe The Wayners, une expérience super enrichissante, ponctuée de belles rencontres !
Fête de la musique 2018, Toulon, Hôtel des Arts. Sortie estivale du mois de Juin, Laully et moi on retrouve un ami pour qu’on passe la soirée ensemble. Sur place, bière à la main, on rigole, on boit, on discute, le groupe est sympa, ça joue bien, alors on décide de rester, le chanteur parle super bien anglais d’ailleurs, chose rare pour un groupe du coin (on comprendra à la fin qu’il est gallois, ça s’invente pas…). Au fur et à mesure, on finit juste par profiter de la musique, le style se balançant entre du rock solide et quelque chose de plus psychédélique, avec des vibrations sorties tout droit de Pink Floyd. Dernier morceau, “Water”, j’ai des images qui popent littéralement dans mon cerveau en fonction des instrus et de l’ambiance qui s’en dégage. “Cool”. Le seul mot qui me vient pour décrire la sensation.
Fin du set, je note le nom, ayant un penchant bien marqué pour ce style, j’ai envie d’en savoir plus. Dans un coin de ma tête vient aussi l’idée d’illustrer ce type de musique… jusqu’en Février 2019, soit 8 mois plus tard, où je les contacte. Après leur campagne de financement qui a permis de sortir leur 1er album “Water », il leur manquait une chose : une solide base d’images photos et vidéos afin de communiquer sur leur musique. Timing christique ?
Le rendez-vous est pris autours d’une bière pour qu’on discute des références, du style à appliquer et là encore, on converge dans la même direction. La première et la plus évidente est le clip de High Hopes des Pink Floyd, avec ce côté très aérien et décalé dans les tableaux qui y sont mis en scène. Parmis d’autres pistes on notera le clip de The Verve – Bitter Sweet Symphony, ou encore Tame Impala – Expectation.
Pour un clip avec une approche plus studio, la référence que j’ai apporté était le clip de John Carpenter – Distant Dream. Ambiance feutrée, quelques lumières, des flares qui viennent péter sur le capteur.
Le groupe était encore en discussion quant à la sélection du morceau à utiliser pour le clip, mais le choix penchait fortement sur “Faster”, un titre accessible qui pouvait être une belle porte d’entrée dans l’univers qu’il propose. Plus rythmé et moins aérien que les autres références, il faudrait adapter cette imagerie, toute proportion gardée, à la réalisation du clip tout en gardant un certain équilibre, propre au groupe.
Les membres du groupe n’étant pas rompus à l’exercice du clip, se fut une petite inquiétude pour eux qui ne voulaient pas forcément de gros plans ou qu’on les voit clairement, en pleine lumière, mais plutôt garder un côté sombre, avec des contre-jours, jouer sur la lumière façon lowkey, avec les contours qui se dessinent et ne montrent pas forcément les visages directement.
Ils ne savaient pas comment ils allaient se comporter, comment réagir, s’ils allaient bien rendre etc.
De plus, à la base Wayne, le chanteur, semblait assez réfractaire à l’idée de passer à l’image mais le groupe a vite compris qu’il leur fallait un support visuel, pour l’image du groupe, communiquer sur leur musique et l’univers qu’il offre.
Après discussion, on a décidé de diviser le morceau en deux et jouer sur une partie plus intimiste, le groupe qui joue entouré d’un setup lumière, entrecoupée avec des images de Wayne déambulant dans le métro et la deuxième plus nature, plus mobile et qui respire plus, sur 4 setups différents, avec l’intervention d’artistes, tous habillés de blanc, apportant une image presque rêveuse à ce passage. On a ainsi pratiquement deux clips distincts en un seul.
Joffrey, le guitariste, et Stéphane, le bassiste, se sont bien investis dans l’organisation (repérage, autorisation de tournage dans le métro, contact des artistes, régie) et c’est une des principales raisons que le tournage ait pu aussi bien se passer.
Une grande partie du travail en amont a été de mettre en place et visualiser tous les plans annexes d’illustration, et notamment ceux de Wayne dans le métro. Tout en étant incertain de la faisabilité sur place. Une fois la date calée et le planning au point, il n’y avait plus qu’à.
Rendez-vous dans le métro marseillais. Première et seule erreur de la journée : demander à Wayne de commencer direct à chanter, à froid, dans le métro, face caméra. Lui étant timide, réservé et vraiment en décalage, j’ai senti que le mettre à l’aise allait être compliqué. Après quelques conseils prodigués, il m’a répondu d’une manière nonchalante et avec un sourire : vas-y fait le, toi. En y repensant, je le comprends parfaitement et j’aurai du m’y prendre autrement, ou commencer par autre chose. Qu’à cela ne tienne, au fur et à mesure de la journée, il s’est décontracté, prenant de plus en plus confiance en nous, au vu des images que l’on faisait, ce qui je pense, à rassurer le groupe entier sur la vidéo finale et les photos que l’on livrerait.
Stressés avant de commencer au vu du type d’environnement, le fait qu’on soit encadré a été d’une grande aide et on a pu se concentrer uniquement sur ce qu’on avait à produire.
Le repérage effectué auparavant nous a permis de cibler précisément les stations où l’on voulait faire des images et ne pas s’éparpiller, on a même pu faire plus que ce qui était prévu.
Anecdote amusante, on avait le contrôle total sur les métros grâce à Pascal, l’agent qui nous accompagnait, on a pu les arrêter, fermer/ouvrir les portes plusieurs fois, le temps de faire les images que l’on voulait, royal !
Pour la réalisation et le montage de cette 1ere partie, une de mes références a été le style du regretté Tony Scott, réalisateur notamment d’Ennemi d’Etat, Man on Fire ou encore Déjà Vu. Son style se veut très visuel, jouant souvent avec les vitesses d’obturation en vidéo, créant cet effet de photo ralentie alors que l’image est prise en temps réel. Le montage joue également une grande part dans le style de ses films, utilisant très souvent des effets de surexposition, de filtres, de mode de fusion différents entre les images qui s’entremêlent afin de mettre un côté organique en suspension avec les changements de vitesses. J’avais remarqué que mon appareil me permettait justement de descendre à des vitesses en vidéo telles que 1/10s par exemple, créant cet effet fantomatique recherché, mais encore faut-il l’utiliser pour servir le sens des paroles. Ici, se fut placer Wayne dans un environnement qui ne lui correspond pas du tout, où tout bouge vite, où les gens sont pressés, et montrer qu’il reste impassible à ces changements, “coincé” dans une époque qui est en décalage avec lui. Dans le montage final, ces passages sont très courts mais participent grandement à l’unité visuelle avec les images du groupe qui joue, les lumières pouvant rappeler des feux présents dans le métro.
Du coup, il a fallu réfléchir à la transition entre ces deux parties : après une première piste non concluante, l’idée simple mais ultra efficace de Wayne qui nous ouvre la porte de la rame et nous amène avec lui dans la nature est apparue comme évidente, et le résultat de cette réflexion est réalisée telle quelle dans le clip (un peu de rotoscopie image par image pour éliminer la vue d’origine du quai et le travelling avant sur les 2 plans a fini de faire fonctionner l’effet).
Après cette matinée bien remplie et 1h30 de route, on arrive à Reillanne, et on découvre la cave de Joffrey, réaménagée pour l’occasion, avec une grande alcôve qui accueille une mini scène. Les lumières sont déjà en place, Nicolas, éclairagiste du groupe Deluxe, a tout préparé la veille avec notre hôte. Il a été d’une aide très précieuse afin de créer une ambiance lumière raccord avec le morceau et le rythme. C’était une envie de longue date de travailler sur un tel setup et on a pu expérimenter et réaliser les images dans un cadre contrôlé et modifiable. Du coup, j’ai pu allier le montage avec le jeu de lumière pour créer encore plus de synchro, ce qui a été un réel avantage.
Toujours dans l’optique de coller un maximum à la musique, l’intro se voulait très progressive d’où un soin particulier appliqué aux plans avec un mouvement lent (utilisation d’un slider), cette esthétique particulière venant mettre les membres du groupe dans la lumière. Parallèle finalement assez logique, eux qui ont toujours été dans l’ombre et qui pour la première fois se mettent réellement en avant.
D’un point de vu purement technique, j’ai également découvert que les flares produits par le Tokina 11-16mm sont juste impressionnants, c’est un objectif que j’utilise déjà depuis plusieurs années mais qui est toujours surprenant, surtout couplé avec le Ronin.
Une fois les prises groupe faites, ça a été le tour des prises solo, en prévision des compositions en miroir que j’allais devoir réaliser en post-prod.
Passé la cave et au vu des images prises, je pense que tout le monde était confiant quant au résultat final, que ce soit eux comme nous.
Dimanche matin, on change de contexte avec une mise en place dans un petit bois près de Reillanne. Le Ronin a été mon outil principal sur cette journée, effectuant des arcs de cercle autours du groupe, au 35mm, puis 100mm et évidemment en grand angle. Avec le temps, j’ai développé une vraie relation d’amour/haine avec ce stabilisateur car il permet d’avoir des mouvements hyper intéressants, mais qu’est-ce que c’est fatiguant… Même principe sur les performances d’artistes venus pour l’occasion, avec un peu plus de main levée afin d’avoir des plans spécifiques.
En fin de journée, on met en place là encore une série de prises solo, qui serviront pour faire du splitscreen et quelques gros plans, dans une petite allée, entourée d’anciennes sépultures… ambiance !
Tournage terminé, on remballe et on fête ça avec une bonne bière au Café du Cours avant de manger et rentrer chez nous, fatigué mais satisfait du week-end.
Vient ensuite une post-production de longue haleine, entre faire le trie puis le montage des séquences jouées, les coupler avec les plans annexes et ensuite rajouter une couche de plans en miroir.
Ce fut un travail plus complet et complexe à effectuer que sur mes précédentes excursions dans le monde du clip, d’où le sentiment d’avoir livré une vidéo plus aboutie. Laully a également pu faire une vraie couverture photo au vu des différents lieux et ainsi offrir un panel assez large de clichés, allant de la photo type de groupe, mais également de simples portraits posés, d’autres sur le vif au naturel et en train de jouer. Après un travail de trie et de retouches colorimétriques, c’est plus de 300 photos livrées.
Sortie le 3 Mai, l’idée derrière le teaser était de garder un montage lent entrecoupé de plans très rapides, en jouant avec le sound design pour entendre le métro. Le principe est le même que celui utilisé sur l’introduction du clip. Le tout avec une nappe sonore d’un autre morceau de l’album. Là, tout à été pensé directement au montage.
On a rencontré des personnes super sympas, agréables, investis et ce tournage restera dans nos souvenirs !
On tient à remercier Nicolas, Antoine, Caté et tous les membres du groupe pour leur aide, l’accueil et leur gentillesse. En attendant le prochain 😉
Photos : Laurellene – The Birdies