Tournage du clip « Amours Kamikazes » de Raoul Petite
Raoul Petite, le plus vieux groupe de rock de France nous a fait confiance pour la réalisation de leur dernier clip de musique “Amours Kamikazes”, tournée à Toulon, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album le 27 Mars 2020 !
“Droit dans le gosier, c’est pas du toc”… Des paroles à l’imagerie suintant les effluves d’alcool mélangé au tabac froid, voilà un terrain de jeu parfait pour être créatif !
IT’S SHOWTIME FOLKS
À l’écoute du morceau, comme souvent si la musique nous parle, des connexions naturelles se font entre le son et les images. Après une première rencontre avec le groupe tout en simplicité, j’ai pu m’atteler à l’écriture du clip, c’est un exercice difficile que de verbaliser l’ambiance que l’on veut retranscrire, expliquer les techniques et donner un aperçu hypothétique du résultat final.
Le texte évoquant l’addiction, l’envie première était de pouvoir proposer une vraie atmosphère, une esthétique très cinématique façon film noir, en jouant sur le contraste, les silhouettes et le milieu urbain. Il fallait tout de même garder une part de lumière et éviter de tomber dans le poncif moralisateur “la drogue et l’alcool c’est mal m’voyeeeez…”, donc le personnage féminin principal pas des plus reluisants allait permettre de pouvoir contrebalancer en ajoutant de l’humour et un côté libérateur. Le but étant de mettre plus en avant la phase montante, que la phase de descente.
Une fois l’écriture validée, vient alors un point très important afin de concrétiser la vision : les lieux. C’est un aspect qui va réellement permettre d’arriver à l’ambiance escomptée. Un bar? Logique et indémodable. Je voulais absolument un long comptoir, imposant afin de créer de la profondeur. Grâce à une vidéo réalisée pour les 2 ans du Barathon à Toulon, j’ai pu découvrir le Corsair Pub, qui présente exactement ce que je recherchais, tout en étant géographiquement proche du vieux “Chicago”, la basse ville de Toulon. J’ai alors axé mon découpage sur l’espace que m’offrait le bar de Loïc, qui a eu la grande gentillesse de nous ouvrir ses portes le temps d’une première matinée bien remplie.
Autre envie, je souhaitais avoir une ambiance type “studio” et gérer la lumière comme je le voulais pour prendre le temps de construire mes plans sans avoir à subir les contraintes d’éléments extérieurs. D’autant plus que je me suis pris d’une lubie ces derniers temps, à savoir, travailler avec des lights, sculpter la lumière et faire ce qu’on appel du lowkey (ou clair-obscur en français). Occasion parfaite pour le faire. Seule problématique, où le faire ? Louer un studio? Ça un coût. Un projet réussie étant avant tout la somme de compétences, d’investissements mais aussi et surtout de chance, un ami nous a proposé gracieusement de tourner dans son appartement en rénovation : murs bruts, fenêtres et volets cassés, aucun meuble. Cachet garantie. Inconvénients : poussière à gogo et 4ème étage sans ascenseur. On n’a rien sans rien. On avait quand même l’électricité disponible, gros soucis logistique en moins à gérer.
Pour le reste des plans prévus, étant natif de Toulon, certains lieux m’ont paru intéressants comme décors, c’est ainsi qu’on retrouve la Porte d’Italie, le Pont du Palais des Sports, la place de l’équerre et ses ruelles alentours ou encore la place Raimus dit “des joueurs de cartes”. Stabilisateur en main et trépied en bandoulière, prenant le temps de s’arrêter pour que j’étudie les possibilités sur place en terme de lumière, d’action et de mouvement, cette partie a été finalement assez libre dans sa réalisation.
Niveau matériel, mon fidèle Sony A7s2 toujours en caméra principale, couplé au Tokina 11-16mm pour une bonne partie des plans, la déformation optique aidant bien à créer un sentiment un peu étrange, puis les 35-50-85mm ART de Sigma pour les plans plus “ciné”, également aidé par le 100mm Macro de Canon pour les plans très rapprochés, et finalement le Canon 135mm mon téléobjectif préféré pour un unique plan, que je n’ai pas retenu au montage.
Place au clip !
Le tournage dans son ensemble s’est très bien passé, sans accrocs et avec des timings respectés. La grosse difficulté a finalement été logistique, avec les 4 étages à monter avec le matériel / accessoires.
Au niveau de la réalisation, cela fait un moment que j’avais envie d’utiliser certaines techniques de prises de vues narrativement intéressantes et visuellement décalées.
En terme de références, on trouvera Killing Them Softly pour cette scène de défonce très sensorielle où l’on retrouve certains procédés dont je me suis inspiré, j’ai également ajouté d’autres choses comme les doubles focales que l’on retrouve dans le cinéma de Brian de Palma ou encore Tarantino, toujours en les réadaptant pour le récit du clip. L’utilisation du grand angle façon Las Vegas Parano a été obligatoire pour créer cet effet déformant de la réalité. Le principe du fantôme qui suit le personnage est une idée qui m’est venue en me rappelant la série The Haunting on Hill House avec cet homme flottant suivant un des personnages dans la rue. Pour le reste, en vrac, Taxi Driver, Leon, Kill Bill et Birdman, à vous de devinez quand !
Certaines séquences ne sont pas parfaites, mais comme on dit “Done is better than perfect”. Le côté chaotique et limite névrosé de tout ces mélanges est représenté de manière assez organique, avec des gros plans sur les détails des différents éléments présents sur la table, en jouant sur les ralentis et accélérés dans un premier temps puis dans la seconde moitié, pratiquement tout au ralenti afin de coller avec l’état du personnage.
Le gros du travail se fait évidemment en amont mais il faut toujours garder la place à l’improvisation une fois sur place, quitte à dévier du plan d’origine pour capter des petites choses imprévues. Et Cathy a su m’offrir ces moments, dans une vraie relation d’échange et de confiance. De plus, le charisme naturel d’un personnage comme Carton m’a grandement facilité le travail. Couplé à la douce folie et l’énergie de Cathy, l’alchimie opère.
Dans la création audiovisuelle, il y a toujours 3 films : un à l’écriture, un lors du tournage, et un autre au montage. Dans les conditions optimales, avec une bonne préparation, le bon savoir faire technique et la capacité à s’adapter aux imprévus, le 3ème film peut être proche du 1er. Ici, avec nos efforts combinés, le résultat est très proche de ce que j’avais en tête, et en soit c’est une vraie victoire !
Sur ce projet, j’ai pu m’exprimer comme je le souhaitais, en essayant de nouvelles choses, testant des effets de prises de vues qui ont porté leur fruit, le tout porté par une musique que j’apprécie toujours autant (même après une centaine d’écoutes), pour un groupe comme Raoul Petite, composé de personnes toutes plus gentilles les unes que les autres, ultra abordables et sympas. Vivement le prochain…
En bonus, voici le making of du clip!
Photos et captation making of : Laurellene Sturtzer – The Birdies
Remerciements spécial à Loïc du Corsair Pub , Damien Guiet et Greg du Brun Noir pour leur aide !